Linguistique amazighe

Cours aux étudiants en Master (Options Linguistique et Littérature)


Comment faire une fiche de lecture ?

La fiche de lecture (Compte-rendu de lecture ou résumé d’une œuvre)

Buts recherchés

Méthode

Procédés pratiques

Exemple

 

A)- Buts recherchés

Quelle que soit la longueur de l’œuvre proposée à l’analyse, il s’agit d’en rendre compte en deux pages environ. Il faut donc donner avec précision les éléments caractéristiques de l’ouvrage à l’exclusion de tout aspect secondaire. L’erreur principale à éviter serait de ne s’intéresser qu’à l’intrigue, ou à "l’histoire" ; bien sûr le compte-rendu devra s’attacher au caractère, à la psychologie des personnages, à la portée symbolique de certains thèmes, au genre auquel  appartient l’ouvrage (roman, comédie, tragédie, documentaire, etc.), à la doctrine ou courant littéraire qu’il représente  : classicisme, romantisme, populisme… Ce résumé doit renseigner le lecteur de façon précise sur le contenu de l’œuvre choisie, sur ses aspects essentiels.

 

B)- Méthode :

On peut en distinguer deux :

La plus facile consiste à respecter la structure de l’œuvre choisie, à suivre le déroulement du récit. Il convient ici de rappeler qu’une « histoire », une intrigue au théâtre tout particulièrement passe par des étapes obligées qui ont pour nom  exposition (présentation des protagonistes, des liens qui les unissent, des raisons qui les opposent), nœud (événements qui vont précipiter l’action), péripéties (déroulement de cette action qui en général s`accélère jusqu’à un paroxysme) et dénouement (nouvel équilibre qui résulte d’une fin heureuse ou malheureuse).

La plus difficile mais souvent la meilleure consiste à s’affranchir de la structure du récit, pour caractériser son contenu, en classant les éléments qui le constituent par ordre d’importance sans nécessairement respecter leur enchaînement chronologique. 

De toute façon, il convient dans tous les cas de fournir une réponse à ces axes de recherche :

 

Situation de l’œuvre :

1/ dans la production et la vie de l’auteur ;

 

2/dans le contexte historique et culturel de l’époque.

Détermination du genre.

Détermination du sujet : ce que raconte l’œuvre, du thème : les problèmes abordés par cette œuvre.

Découpage de l’œuvre, progression de l’action.

Analyse des personnages, de leur caractère, de leurs relations.

Étude du décor (part observée, imaginée, correspondances avec les problèmes abordés, avec les sentiments qui agitent les personnages).

Étude du style, des manies de l’auteur.

Étude de la portée philosophique et morale de l’ouvrage.

Étude éventuelle des sources et de la descendance de l’œuvre,  la comparaison avec des textes qui ont traité le même sujet aide souvent à mieux comprendre les intentions de l’auteur.

 

C)- Procédés pratiques

Présenter d’abord l’œuvre en général : qui est son auteur ? à quelle époque a-t-elle été écrite ? fait-elle partie d’un cycle, d’un ensemble plus vaste ?

Citer les particularités éventuelles liées à sa conception ou sa rédaction.

Présenter ensuite les personnages principaux en tenant compte de leur rôle dans le récit, de leurs caractéristiques psychologiques, morales, physiques ou sociales essentielles sans toutefois les analyser.

Le récit se déroulant dans le temps et l’espace, il conviendra de situer avec précision le cadre spatio-temporel et de montrer l’évolution des situations.

Pour faire sentir dans quel contexte particulier se déroule l’histoire (ce qu’on pourrait appeler à la suite de Maurois le « climat » du livre) on peut recourir à la citation courte sans abuser car le compte-rendu est un travail personnel qui sous-entend une expérience du texte propre à chaque individu et autour de laquelle doit s’organiser l’analyse.

On peut aussi rechercher à partir des thèmes abordés dans l’œuvre ou des caractéristiques de l’histoire d’autres œuvres littéraires, cinématographiques… en examinant ressemblances et différences.

On peut relever quelques citations marquantes.

Cet exercice demande la concision, il faudra donc abandonner les digressions du récit, les épisodes secondaires, les personnages accessoires.

Il faudra utiliser des phrases simples, des termes précis, éviter les énumérations de termes semblables qui permettent d’exprimer les nuances.

Enfin il peut être nécessaire de privilégier certains détails qui ont une grande valeur symbolique, très révélatrice des intentions avouées ou cachées de l’auteur.

 

Exemple avec Vol de nuit de Saint-Exupéry

Situation de l’œuvre

Dans la production et la vie de l’auteur : Antoine de Saint-Exupéry, (1900-1944), aviateur et écrivain français, auquel on doit une œuvre à la morale héroïque et idéaliste, fruit de son expérience de l’aviation (Vol de nuit, 1931 ; Le Petit Prince, 1943).

Dans le contexte historique et culturel de l’époque. Antoine de Saint-Exupéry est d’abord étudiant aux Beaux-Arts. Il passe son brevet de pilote et entre dans l’armée de l’air quelques années plus tard, en 1921. Il devient pilote de ligne en 1926 et, à ce titre, effectue les premiers vols longs-courriers de l’histoire de l’aviation, vers l’Afrique du Nord et l’Amérique du Sud. S’inspirant des dangers et des plaisirs de son métier d’aviateur, il publie la même année, parrainé par Jean Prévost, une nouvelle, « l’Aviateur ». Il est muté à Dakar en 1927 et devient chef de l’aéroplace de Juby au Sahara. Saint-Ex, comme on le surnomme, y découvre l’isolement méditatif, le sens de la camaraderie et du devoir qui nourriront toute son œuvre. Sa vie s’inscrit dans le développement technique et commercial de l’aviation civile.

Détermination du genre : roman court.

Détermination du sujet : ce que raconte l’œuvre, du thème : les problèmes abordés par cette œuvre.

Ce livre, récit des expériences réellement vécues par l’auteur alors qu’il était responsable de la ligne Aeroposta Argentina, est un éloge de la discipline et du devoir, il est surtout une évocation poétique du plaisir de voler, métaphore exupérienne de l’ascèse vers laquelle tout être doit tendre pour s’accomplir.

Notions clés : sens du devoir, amitié, dépassement de soi, conflits entre devoir et attachements affectifs, etc.

Découpage de l’œuvre, progression de l’action.

Analyse des personnages, de leur caractère, de leurs relations. Rivière, Fabien, son épouse, etc.

Étude du décor (part observée, imaginée, correspondances avec les problèmes abordés, avec les sentiments qui agitent les personnages).

La terre vue du ciel : évocation poétique du plaisir de voler, les temples incas, les lumières de la ville, l’orage, etc.

Étude du style, des manies de l’auteur.

Étude de la portée philosophique et morale de l’ouvrage.

Un texte sur l’univers exigeant du métier de pilote, qui impose aux êtres de repousser, au prix de leur vie, les limites de la liberté. Idéalisme qui s’oppose au matérialisme ambiant de l’époque. Nouvelle figure du héros, effacé, discret.

« Le héros de Vol de nuit, non déshumanisé, certes, s’élève à une vertu surhumaine. Je crois que ce qui me plaît surtout dans ce récit frémissant, c’est sa noblesse. Les faiblesses, les abandons, les déchéances de l’homme, nous les connaissons de reste et la littérature de nos jours n’est que trop habile à les dénoncer ; mais ce surpassement de soi qu’obtient la volonté tendue, c’est là ce que nous avons surtout besoin qu’on nous montre. Plus étonnante encore que la figure de l’aviateur, m’apparaît celle de Rivière, son chef. Celui-ci n’agit pas lui-même : il fait agir, insuffle à ses pilotes sa vertu, exige d’eux le maximum et les contraint à la prouesse. Son implacable décision ne tolère pas la faiblesse et, par lui, la moindre défaillance est punie. Sa sévérité peut, au premier abord, paraître inhumaine, excessive. Mais c’est aux imperfections qu’elle s’applique, non point à l’homme même, que Rivière prétend forger. On sent, à travers cette peinture, toute l’admiration de l’auteur. Je lui sais gré particulièrement d’éclairer cette vérité paradoxale, pour moi d’une importance psychologique considérable : que le bonheur de l’homme n’est pas dans la liberté, mais dans l’acceptation d’un devoir.

Chacun des personnages de ce livre est ardemment, totalement dévoué à ce qu’il doit faire, à cette tâche périlleuse dans le seul accomplissement de laquelle il trouvera le repos du bonheur. »

André Gide dans la Préface à Vol de Nuit.

Étude éventuelle des sources et de la descendance de l’œuvre,  la comparaison avec des textes qui ont traité le même sujet aide souvent à mieux comprendre les intentions de l’auteur.

Œuvres littéraires :

La Voie royale, La Condition humaine de Malraux pour ce qui concerne le héros moderne, l’aventurier.

Le voyage du centurion d’Ernest Psichari pour ce qui concerne la méditation dans la solitude.

La « tempête sous un crâne » dans Les Misérables de Victor Hugo quant au conflit intérieur entre des valeurs morales.

 

Ce document a été rédigé par Jean-Luc pour :
etudes-litteraires.com/fiche-de-lecture.


28/04/2020
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Informations Master 2013/2014

Aux étudiants en Master :

Les cours des modules suivants auront lieu les :

mardi 13 h à 16 h : sociolinguistique.

jeudi 9 h à 12 h  : dialectologie.

 

Les exposés et autres travaux de recherches doivent être remis au plus tard  le dimanche 06 avril 2014.

 

 


19/02/2014
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Dialectologie

 

Dialectologie

La dialectologie est la branche de la linguistique qui étudie les dialectes et la variation linguistique.

Objets et méthodes de la discipline

Description interne

La dialectologie peut étudier les dialectes en les décrivant pour eux-mêmes, en dégageant les traits (spécifiques ou non) de leur phonétique, de leur phonologie, de leur morphologie, de leur syntaxe ou de leur sémantique. En cela, la description dialectale ne diffère pas des autres travaux de description linguistique synchronique, à ceci près qu'elle se penche sur des parlers dont la variabilité est une caractéristique majeure.

Description contrastive

Elle peut aussi comparer un ou plusieurs dialectes aux autres dialectes de la même famille ou du même groupe linguistique. Elle le fait alors souvent en recourant à des enquêtes de géographie linguistique, qui permettent de décrire la répartition spatiale des traits spécifiant les membres de ladite famille. Ces enquêtes débouchent souvent sur l'élaboration d'atlas linguistiques, permettant de distinguer les différences entre dialectes grâce au tracé de frontières entre traits linguistiques, frontières appelées isoglosses; une autre technique décrivant ces différences de manière plus subtile est la dialectométrie, ou mesure quantifiée des oppositions entre plusieurs points de la carte dialectale.

L'établissement d'un atlas linguistique, s'il exige un minimum d'exhaustivité, demande énormément de temps. Il s'agit d'enregistrer les différences lexicales et phonétiques des différentes régions d'une communauté linguistique. On répertorie les variantes possibles et crée ainsi des cartes indiquant les frontières dialectales (isoglosses). Ces frontières peuvent être variables selon le trait caractéristique qu'on étudie, un atlas exhaustif demande donc un maximum de cartes répertoriant des variantes. Pour le domaine français en Europe, il existe plusieurs atlas linguistiques :

  • l’Atlas linguistique de la France (ALF),
  • la collection Atlas linguistique de la France par région (ALFR) ou Nouvel Atlas linguistique de la France (NALF) :
    • l’Atlas linguistique et ethnographique d’Alsace (ALA)
    • l’Atlas linguistique et ethnographique d’Auvergne et du Limousin (ALAL)
    • l’Atlas linguistique et ethnographique de Bourgogne (ALB)
    • l’Atlas linguistique et ethnographique de la Bretagne romane, de l’Anjou et du Maine (ALBRAM)
    • l’Atlas linguistique et ethnographique de la Champagne et de la Brie (ALCB)
    • l’Atlas linguistique et ethnographique du Centre (ALCe)
    • l’Atlas linguistique et ethnographique de la Franche-Comté (ALFC)
    • l’Atlas linguistique et ethnographique de la Gascogne (ALG)
    • l’Atlas linguistique et ethnographique de l’Île-de-France et de l’Orléanais (ALIFO)
    • l’Atlas linguistique et ethnographique du Jura et des Alpes du Nord (ALJA)
    • l’Atlas linguistique et ethnographique du Languedoc occidental (ALLOc)
    • l’Atlas linguistique et ethnographique du Languedoc oriental (ALLOr)
    • l’Atlas linguistique et ethnographique de la Lorraine germanophone (ALLG)
    • l’Atlas linguistique et ethnographique de la Lorraine romane (ALLR)
    • l’Atlas linguistique et ethnographique lyonnais (ALLy)
    • l’Atlas linguistique et ethnographique du Massif central (ALMC)
    • l’Atlas linguistique et ethnographique de la Normandie (ALN)
    • l’Atlas linguistique et ethnographique de l’Ouest (ALO)
    • l’Atlas linguistique et ethnographique picard (ALPic)
    • l’Atlas linguistique des Pyrénées-Orientales (ALPOr)
    • l’Atlas linguistique et ethnographique de la Provence (ALPr)
  • l’Atlas linguistique de la Wallonie.
  • l'Atlas linguistique de l'est du Canada

Description génétique

L'étude de cette répartition est souvent associée à des études diachroniques (ou historiques) qui visent à expliquer la formation des dialectes, en montrant leur différenciation à partir d'une source commune (c'est le processus de différenciation dialectale ou dialectalisation).

Description anthropologique

Elle peut encore étudier les usages des variétés dialectales dans une société donnée, par exemple en mettant le lexique des dialectes en regard des coutumes, des usages, des croyances, des techniques et de l'organisation de cette société. En cela, la dialectologie est proche de l'anthropologie (et donc de l'anthropolinguistique) et de l'approche scientifique du folklore.

Description sociolinguistique

La dialectologie peut enfin étudier ces usages d'un autre point de vue : le rapport ou la concurrence entre les différentes variétés linguistiques présentes dans cette société (situations de diglossie). Elle peut, dans cette perspective, étudier les attitudes et les représentations que les locuteurs de ces variétés élaborent quant au dialecte. De ce point de vue, la dialectologie est un chapitre de la sociolinguistique.

Histoire et sociologie de la discipline

Issue des travaux du linguiste allemand Georg Wenker, la dialectologie a été établie définitivement comme science par le Suisse Jules Gilliéron. C'est le professeur Jean Haust, de l'Université de Liège qui lui a définitivement donné le nom de dialectologie.

Elle s'est développée dans tous les groupes linguistiques connaissant une riche variation linguistique et où se sont établies des études linguistiques, et a été stimulée tantôt par les études de linguistique historique, tantôt par l'avènement de la perspective synchronique. Elle est encouragée dans les sociétés soucieuse de mettre leur patrimoine culturel en valeur, et en particulier dans celles qui ont résolu de donner certains droits à leurs minorités culturelles et linguistiques (voir la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, grâce à laquelle certaines variantes traditionnellement considérées comme des dialectes ont accédé au statut de langues historiques régionales). L'action volontariste menée par les pouvoirs publics sur les dialectes (action de promotion ou, au contraire, de rejet ou de contention) fait partie de la politique linguistique.

Branches

Géographie linguistique

Dialectologie structurale

Dialectologie générative

Dialectologie sociale

Voir aussi

Bibliographie

  • (es) Manuel Alvar, Estructuralismo, geografía lingüística y dialectología actual, Madrid, Gredos, coll. « Biblioteca Románica Hispánica / Estudios y Ensayos »,‎ 1969, 222 p.
  • Sever Pop, La dialectologie : aperçu historique et méthodes d'enquêtes linguistiques, J. Duculot, Louvain, 1950, 2 vol. (volume 1 et volume 2 sur archive.org)
  • Jean Le Dû et Nelly Blanchard, Dialectologie et géolinguistique, Centre de Recherche Bretonne et Celtique, 2004, 410 p. (ISBN 978-2-901737-60-5)

Portail de la linguistique

 

 


19/02/2014
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L-J CALVET

 

Louis-Jean Calvet

Louis-Jean Calvet est un linguiste français, né le à Bizerte en Tunisie.

Parcours

Étudiant à Nice où il est l'élève de Pierre Guiraud), il est élu en 1964 au bureau national de l'UNEF. Il y est chargé de l'information et occupe la fonction de rédacteur en chef du mensuel 21.27. Étudiant à la Sorbonne avec André Martinet, il soutient une thèse de troisième cycle (Le Système des sigles en français contemporain) puis un doctorat d'État (Langue, corps, société). Après avoir été professeur à l’université de Paris V , il est maintenant professeur à l'Université de Provence d'Aix-en-Provence.

Dès sa première publication (Linguistique et colonialisme, dans laquelle il lance le concept de glottophagie), il analyse les rapports entre le discours linguistique et le discours colonial sur les langues, puis les liens entre langue et pouvoir (La guerre des langues, 1987) et le rôle linguistique de la ville (Les Voix de la ville, 1994). Il participe ainsi à la création d'une sociolinguistique française dont il est un des représentants les plus connus, traduit en une vingtaine de langues, invité dans de nombreuses universités aux quatre coins de la planète.

Directeur pendant plusieurs années de la collection Langages et Sociétés aux éditions Payot, il y publie Sylvain Auroux, André Chervel, Christian Cuxac, Tullio De Mauro, Ivan Fonagy, Pierre Guiraud, Nancy Huston, André Martinet, Morris Swadesh, Jean-Didier Urbain, Marina Yaguello, etc. Parallèlement à ses activités universitaires il fait du journalisme, participant en particulier à l'hebdomadaire Politique hebdo dans lequel il aborde les phénomènes culturels, en particulier la chanson, d'un point de vue sociologique et politique, et traite des minorités ethniques et linguistiques. Il a publié pendant plus de vingt ans, une chronique consacrée aux français populaires dans les différents pays de la Francophonie dans la revue Le français dans le monde, organe de la Fédération internationale des professeurs de français. Le Sociolinguists Worlwide Award lui a été attribué en 2012.

La linguistique et l'entreprise coloniale

Linguistique et colonialisme souligne l'inscription de la linguistique dans les systèmes idéologiques dominants pour une période donnée. Ce que Calvet tente de montrer est comment l'étude des langues, au-delà de la simple description des langues elles-mêmes, implique un certain point de vue sur les communautés linguistiques qui les parlent et sur les relations entre ces communautés.

Or, cette vision a été utilisée pour légitimer l'entreprise coloniale, tant dans sa préparation que dans son exécution ; la langue de l'autre est dénigrée, infériorisée alors qu'évidemment celle du colonisateur est valorisée. Calvet étend la notion de colonialisme à la constitution de la France métropolitaine selon des mécanismes de nature coloniale (expansion du royaume de France au détriment des cultures régionales et des langues associées).

Calvet évoque « l'impérialisme culturel de la France » (p. 11) qui persiste au travers de certaines structures internationales comme la francophonie. Les moyens de lutte contre ces formes moins apparentes de colonialisme, pour le chercheur linguiste, résident dans un travail approfondi de description des langues autochtones (le terme n'est pas utilisé par Calvet mais par nous-même)

L'invention de la langue par les linguistes

Louis-Jean Calvet utilise une métaphore pour rendre compte du phénomène de construction d'un objet « langue » dans son ouvrage Essais de linguistique, la langue est-elle une invention des linguistes ? (cf. bibliographie). Cézanne a représenté la montagne Sainte-Victoire, près d'Aix-en-Provence, dans des dizaines de tableaux. Mais il a choisi de ne la représenter que d'un point de vue unique, c'est-à-dire une vue de l'ouest. La montagne Sainte-Victoire de Cézanne, construite par Cézanne, devient la montagne Sainte-Victoire. La répétition du même point de vue construit une nouvelle réalité (un simulacre au sens de Baudrillard ?).

Si nous remplaçons la montagne par la langue et le peintre par le linguiste nous avons la clé de la métaphore. Or, la montagne est un objet du paysage relativement saisissable par les sens, alors que la langue est une construction en cours, fuyante selon Louis-Jean-Calvet. Il ne délégitime pas telle ou telle approche mais souligne le caractère forcément limité de toute approche, d'autant plus que l'utilisation unique d'un point de vue aboutit à l'invisibilisation des limites.

L'engagement du sociolinguiste et du chercheur

Louis-Jean Calvet est cosignataire d'un manifeste de 250 chercheurs publié dans Buscila-Infos (numéro 20 de mars 2008) et Le Monde de l'Éducation (avril 2008) dans lequel le diagnostic posé sur la langue des populations en difficulté d'insertion est remis en question à la lumière des travaux des chercheurs en sociolinguistique. Le diagnostic qui est contesté est celui du déficit linguistique ou du handicap linguistique.

La langue des banlieues reflet d'une fracture linguistique

Dans son article intitulé Les fractures linguistiques (cf. bibliographie), Calvet évoque, d'une part, la position de certains chercheurs vis-à-vis de la langue des banlieues, oscillant entre le dénigrement d'une forme qui attire et la survalorisation du stigmatisé et, d'autre part, explique la persistance de cette variété linguistique fruit de la rencontre du français et des langues des populations issues de l'immigration dans un contexte de stigmatisation. La particularité de cette variété linguistique est sa persistance plus grande dans le temps ; la normalisation que l'on constate dans la langue de la génération plus âgée n'a pas lieu. L'entrée des jeunes dans la vie active plus tardive — phénomène que l'on trouve aussi dans d'autres contextes — est accentuée en raison d'un chômage endémique et du recours à des « petits boulots » ou d'autres expédients, fonctionnant comme une forme d'insertion sociale précaire. Selon cet article, les adolescents devenus adultes maintiennent la variété linguistique qu'il utilisaient dans leurs groupes de pairs pour communiquer avec leurs enfants. Ainsi, cette langue, au travers de la différenciation par rapport à la forme normée, se charge d'une forte valeur identitaire. La fracture se trouve non seulement dans une volonté de différenciation, mais témoigne aussi d'une fracture sociale de plus en plus visible et reconnue.

Calvet illustre le phénomène par la dévalorisation de la langue parlée dans les familles arabophones, qui n'est enseignée qu'anecdotiquement ou alors sous la forme d'une langue trop éloignée de la variété linguistique qu'ils connaissent.

Des pistes d'action pour les linguistes

La remédiation par une scolarisation dans la langue maternelle ne semble pas une solution dans le cas de la France, même si d'autres pays l'ont appliquée. Il s'agit par exemple de prendre en compte la situation de diglossie entre l'arabe standard et l'arabe dialectal, qui renvoie à une situation d'insécurité linguistique. L'arabe dialectal parlé en Afrique du Nord est très éloigné de l'arabe standard, ce qui rend ces deux variétés linguistiques mutuellement non compréhensibles. L'enseignement de la variété dialectale pourrait être une piste mais, selon Calvet, pourrait se heurter au « lobby des professeurs d'arabe » (p. 8). À cela s'ajoute aussi une connaissance peu satisfaisante de la forme dialectale. Calvet égratigne au passage le traitement français de l'immigration, mais pas uniquement, source de richesse inexploitée.

Selon Calvet, ce sont, entre autres, des actions de formation des enseignants en rapport avec le fonctionnement des langues dans des contextes de multilinguisme et avec la dynamique entre les formes vernaculaires et les formes plus standards.

Travaux

Selon Calvet, la langue est un fait social et la linguistique ne peut être que sociolinguistique. Il a proposé une approche écolinguistique, fondée en particulier sur la distinction entre approche numérique et approche analogique des situations. Dans ses récentes publications (1999, 2004, 2010), il aborde ainsi des questions concernant la linguistique dans son ensemble, et en particulier la théorie du signe, critiquant la vision que le Cours de linguistique générale en a donné à la lumière des théories de Jacques Lacan.

Collaborant avec l'Organisation internationale de la francophonie mais aussi avec les organisations lusophones et hispanophones, il travaille sur les politiques linguistiques dans le cadre d'une lutte pour la défense de la diversité linguistique, et a proposé la distinction entre la « politique » linguistique et la « politologie linguistique », la première étant le fait des décideurs politiques, la seconde le fait des linguistes. Plus récemment (en 2010, version actualisée en 2012), il a entrepris avec Alain Calvet, spécialiste de mathématiques et de statistiques, l'élaboration d'un « index des langues du monde » (http://wikilf.culture.fr/barometre2012/), un classement fondé sur le traitement statistique et l'analyse multifactorielle d'un certain nombre de facteurs discriminants.

En collaboration avec Jean Véronis, il a travaillé sur l'analyse du discours politique français, en particulier l'analyse de la campagne présidentielle (2006) et celle des discours du Président Sarkozy (2008). Il s'intéresse par ailleurs à la chanson française et a publié plusieurs livres à ce sujet (biographies de Georges Brassens, Léo Ferré, Georges Moustaki, analyse sémiologique de la chanson). Il est également l'auteur d'une biographie de Roland Barthes et de deux romans.

Publications

(Liste partielle)

  • 1969: Dynamique des groupes et pédagogie, Bureau pour l'enseignement de la langue et de la civilisation françaises à l'étranger.
  • 1973: Roland Barthes; un regard politique sur le signe, Petite bibliothèque Payot, Payot.
  • 1975: Pour et contre Saussure : vers une linguistique sociale Petite bibliothèque Payot, Payot.
  • 1974: Linguistique et colonialisme, petit traité de glottophagie.
  • 1993: La Sociolinguistique, PUF (Que sais-je? n° 2731).
  • 1994: L'Argot, PUF (Que sais-je? n° 700).
  • 1994: Les Voix de la ville, Introduction à la sociolinguistique urbaine, Essais Payot
  • 1995: Les Politiques linguistiques, PUF (Que sais-je? n° 3075).
  • 1999: Pour une écologie des langues du monde, Éditions Plon
  • 2003: Léo Ferré, Flammarion.
  • 2004: Essais de linguistique, la langue est-elle une invention des linguistes ?, Éditions Plon.
  • 2006: 100 ans de chanson française, Éditions de l'Archipel.
  • 2006: Combat pour l'Élysée, en collaboration avec Jean Véronis, Éditions du Seuil.
  • 2008: Les Mots de Nicolas Sarkozy, en collaboration avec Jean Véronis, Éditions du Seuil.
  • 2010: Le Jeu du signe, Éditions du Seuil.
  • 2010: Le Français en Afrique, l'Archipel.
  • 2011: Il était une fois 7000 langues, Fayard.

Bibliographie

  • Auguste Moussirou-Mouyama, Claude Bourgeois (collaboration), Les Boîtes noires de Louis-Jean Calvet, Écriture, Paris, 2008 ; ISBN 9782909240794
  • Sous la direction de Médéric Gasquet-Cyrus, Alain Giacomi, Yvonne Touchard, Daniel Véronique, Pour la (socio) linguistique - Pour Louis-Jean Calvet, Éditions L'Harmattan, Paris, 2010 ; ISBN 9782296131620
  • « Rencontre avec Louis-Jean Calvet : Le sens n'est pas dans le mot », propos recueillis par Nicolas Journet, Sciences Humaines, no 217, juillet 2010, p. 32-35
  • "Parcours d'un linguiste", entretien filmé à l'Université de Rennes (http://www.sites.univ-rennes2.fr/webtv/appel_film.php?lienFilm=588)

Articles connexes

Liens externes

 

 


19/02/2014
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La sociolinguistique

Sociolinguistique

La sociolinguistique est la partie de la linguistique ayant pour objet l'étude du langage et de la langue sous leur aspect socioculturel.

On peut citer, comme exemples de sociolinguistes, William Labov, Basil Bernstein, Peter Trudgill, etc

Histoire

William Labov est souvent considéré, du moins dans la tradition anglo-saxonne, comme le fondateur de la sociolinguistique moderne. C'est lui qui, en 1966, publia The Social Stratification of English in New York City (La Stratification sociale de l'anglais à New York).

Les variables sociolinguistiques

La recherche sociolinguistique se fait en général par l'interview d'un échantillon de sujets parlants concernés. L'accent est mis sur certaines variables qui se doivent, selon Labov :

  • D'avoir une fréquence d'utilisation élevée,
  • D'avoir une certaine immunité vis-à-vis d'un contrôle conscient,
  • De faire partie d'une structure plus grande, et
  • D'être aisément quantifiées sur une échelle linéaire.

En général, ce sont les variables phonétiques qui satisfont ces conditions le plus facilement. Les variables grammaticales sont également utilisées, et, plus rarement, des variables lexicales.

Quelques variables à signification sociolinguistique

  • Phonétiques :
    • Le coup de glotte en anglais,
    • Les allophones de la voyelle nasale dans les lexèmes français d'Europe un et fin,
    • Les voyelles hautes antérieures dans le dialecte de Bâle, où l'allophone non-arrondi est diagnostique de l'élite sociale.
  • Grammaticales :
  • Lexicales :
    • L'emploi de formes lexicales locales dans les Français régionaux de Suisse (p.ex. galetas pour grenier, etc.)
    • L'emphatisation et l'assimilation dans les dialectes arabes.

Concepts fondamentaux de la sociolinguistique

Bien que la sociolinguistique soit une discipline très vaste, il existe quelques concepts fondamentaux sur lesquels sont basées la plupart des études.

  • La sociolinguistique étudie le langage en prenant en compte des facteurs externes à la langue et non en en considérant uniquement les structures linguistiques internes.
  • La sociolinguistique envisage l'évolution de la langue dans un contexte social.
  • Facteurs internes : sémantique et syntaxe.
  • Facteurs externes : facteurs économiques, démographiques, sociaux, etc.

Les deux approches ont souvent été menées séparément et considérées comme contradictoires; toutefois, la sociolinguistique les considère comme complémentaires.

Réseaux sociaux

Les recherches en sociolinguistique impliquent la compréhension des réseaux sociaux dans lesquels s'inscrit le langage. Cela peut s'appliquer au niveau macroscopique à un pays ou à une ville, mais aussi au niveau interpersonnel au sein d'un voisinage ou d'une famille.

Les variables sociales

L'étude sociolinguistique d'une variété peut prendre en considération un large éventail de composants sociaux, suivant la problématique traitée. Les plus courants sont l'âge, le sexe, la classe sociale ou encore l'ethnie. Les variables sociolinguistiques sont ensuite comparées avec celles sociales.

Cela dit, on peut constater l'existence de nombreux sociolectes (variétés au niveau social) d'une même langue, par exemple :

  • Le langage enfantin
  • Le langage des jeunes
  • Le langage des séniors
  • Le langage des femmes
  • Le langage des hommes
  • Le langage des étudiants
  • Le langage des apprentis
  • Le langage des diplômés
  • Le langage des ouvriers
  • Le langage des professionnels d'un certain métier
  • Le langage politique
  • Etc...

Auteurs rattachés

Notes et références

Voir aussi

Liens externes


19/02/2014
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