Linguistique amazighe

Lounis Aït Menguellet [article tiré de wikipedia.fr].

Lounis Aït Menguellet

 

 

 

Lounis Aït Menguellet (Lewnis At Mangellat suivant la graphie kabyle), de son vrai nom Abdenbi Aït Menguellet (né le 17 janvier 1950 (67 ans) à Ighil Bouammas en Algérie) est un poète et chanteur algérien d'expression kabyle

Lounis Aït Menguellet est certainement l'un des artistes les plus populaires de la chanson berbère contemporaine, un poète qui est devenu l'un des symboles de la revendication identitaire berbère. À propos des évènements qui ont secoué la région de Kabylie ces dernières années, il dit que, égale à elle-même, la région est un bastion de la contestation et qu’elle a toujours été à l'avant-garde des luttes. « Je parle de la kabylie à ma façon, afin d’apporter quelque chose pour que les choses évoluent », avant de s’empresser d'ajouter qu'il ne fait jamais de politique.

Nombreux sont ceux qui considèrent que la carrière de Lounis Aït Menguellet peut être scindée en deux parties selon les thèmes traités : la première, plus sentimentale de ses débuts, où les chansons sont plus courtes et la seconde, plus politique et philosophique, caractérisée par des chansons plus longues et qui demandent une interprétation et une lecture plus approfondie des textes. Ay agu (Brume), Iḍul s anga a nruḥ (Le chemin est long), Nekwni s warrac n Ledzayer (Nous, les enfants d’Algérie) : Aït Menguellet choisit délibérément dans ses concerts récents de chanter ces poèmes, plus longs et plus composés, comme une invitation lancée à son public à une réflexion et à une découverte.

En présentant son nouvel album à la presse, le 16 janvier 2005, à la veille de sa sortie le jour de son cinquante-cinquième anniversaire, à la Maison de la Culture de Tizi Ouzou, Lounis a fait remarquer que « l'artiste ne fait qu’attirer l’attention des gens sur leur vécu et interpeller leur conscience. C’est déjà une mission et je ne me crois pas capable d’apporter les solutions aux problèmes. » Aigri [réf. nécessaire] par la situation sociale et politique de son pays déchiré, Lounis puise de moins en moins dans son répertoire de chansons sentimentales qui ont caractérisé ses débuts.

Sommaire

Biographie

Une enfance marquée par la guerre d'indépendance

Dernier né d’une famille de six enfants - il a trois sœurs et deux frères -, Lounis Aït Menguellet naît dans le village Ighil BoamasIboudraren, près de Tizi Ouzou en Haute Kabylie le 17 janvier 1950, un peu plus de quatre ans avant le déclenchement d'une guerre d'indépendance qui apportera, après sept années d'une guerre sans merci, l'indépendance à son pays.

Le sage a dit

 

Après près de quarante ans de carrière, plus de 200 chansons produites (il affirme être incapable lui-même d'en donner le nombre exact) et une notoriété bien établie, Lounis Aït Menguellet est toujours resté « ce campagnard fier », « ce montagnard au fort caractère », essayant de couler des jours paisibles dans son village d'Ighil Bouammas près de Tizi Ouzou. « La vie au village n’est pas aussi ennuyeuse qu’on le pense. Le village où l’on est né présente des attraits que d’autres personnes ne peuvent pas voir. Le fait de me réveiller le matin et de voir la même montagne depuis que je suis né m’apporte toujours quelque chose. »

Victime d'un lynchage médiatique en 2001, lié à la situation difficile que connait l'Algérie depuis le début des années 1990, il écrit deux ans plus tard Neğayawen amkan (Nous vous cédons la place), qui est censée être une chanson-réponse à cet évènement dont il refuse de parler.

En 2005, il sort un nouvel album Yennad Umɣar (Le sage a dit), et fait remarquer que la sagesse qu’il chante dans ses chansons est puisée chez les petites gens qu’il côtoie. Le titre le plus long de l'album - il dure 8' 22" - Assendu n waman (Les brasseurs de vent) dénonce à la fois les manipulateurs d’opinion qui ont un rang officiel, mais également, toutes les voix officieuses, partisanes, généralement adeptes de la politique politicienne. Lounis constate que les brasseurs de vent « viennent, promettent. Et reviennent, oublient. Et disent, c’est ainsi que se font les choses. » Nul acteur politique n’est épargné, et c’est justement ce que certains reprochent à Aït Menguellet : son manque d’engagement. Il rétorque qu’il n’est pas chanteur engagé par vocation. Lui, il est humaniste, rebelle, observateur et porte-voix des petites gens, des humbles, de toutes ces voix écrasées par toutes sortes d’hégémonies, que l'on ne laisse jamais s'exprimer.

Un poète à la voix envoûtante

Ni philosophe, ni penseur, tout juste poète (« on me le dit si souvent que je commence à y croire »), Lounis Aït Menguellet s'interdit, dans ses chansons, de donner des leçons. « Je ne fais que de l’observation. Elle peut être juste ou fausse. Mes mots ne sont pas des vérités générales. Mais, quand je les dis, ça me fait du bien. » Avec des mots simples, il raconte la vie des gens simples qu'il côtoie, et sait transmettre une émotion qui touche un public de plus en plus nombreux, qui se presse à ses concerts. Et, avec modestie, il ajoute : « Je suis un homme ordinaire, plus ordinaire que les ordinaires. »

La voix envoûtante et profonde de Lounis Aït Menguellet porte un chant qui vient du fond des âges ; c'est celle des troubadours du Moyen Âge, celle des musiciens traditionnels de tous les peuples qui ont su préserver leur âme. Par sa seule magie, cette voix chaude transporte ceux qui l'écoutent au cœur de la Kabylie. Troubadour, chanteur-compositeur, Aït Menguellet perpétue cette tradition orale des montagnes kabyles qu'a si bien mise en évidence avant lui le grand poète Si Mohand, décédé en 1906, et qu'a chantée Taos Amrouche, sœur du poète Jean Amrouche, décédée en exil, en Tunisie.

Le chantre de la chanson kabyle

 

Lounis Aït Menguellet part sans cesse à la source pour puiser « une prose littéraire orale, cette prose amazigh traditionnelle dans ses différentes formes d’expression autour desquelles a évolué la mémoire collective de la société », fait remarquer Mohammed Djellaoui, auteur d'un essai sur la poésie d'Aït Menguellet, et il ajoute que le poète « met la légende et la vertu au service d’une cause ».

Cette cause, c'est celle de la culture berbère. Longtemps marginalisée, réduite à un genre mineur, la chanson kabyle, grâce à Lounis Aït Menguellet, a renoué avec le fonds traditionnel berbère qu'a chanté avant lui Slimane Azem, interdit d'antenne dans son pays durant plus de vingt-cinq ans. L'auteur de « Asefru » a su créer des formes et des structures propres à sa poésie en jouant sur l’ambiguïté de sens des mots qu'il utilise, permettant une interprétation pluridimensionnelle de la part de ses auditeurs.

En avril 1980, lorsque le wali de Tizi Ouzou décida d'interdire une conférence de l'anthropologue Mouloud Mammeri sur « La poésie ancienne des Kabyles », la population de la ville, puis des régions avoisinantes, sans parler d'Alger, où les Kabyles sont majoritaires, se souleva, à l'appel des étudiants, pour défendre, à travers les poètes anciens, la langue des ancêtres. L'un de ses défenseurs les plus ardents fut Aït Menguellet :

« Reconnais ce qui est tien

Prends garde de ne jamais l'oublier!...

Langue kabyle

Celui qui t'aime

Te sacrifie sa vie

Il te vénère

Et pour toi garde la tête haute

C'est grâce à tes enfants

Que l'Algérie est debout. »

« Pourquoi cette véhémence ? » se demande l'écrivain Kateb Yacine dans la préface qu'il écrivit en 1989 pour le livre de Tassadit Yacine « Aït Menguellet chante », et il répond : « C'est que tamazight, notre langue nationale, depuis des millénaires, est à peine tolérée, pour ne pas dire proscrite, dans l'Algérie indépendante ! ».

La puissance des chansons de Lounis réside dans la qualité de ses textes, la force du verbe : « La paix demande la parole : je suis contrainte de t'abandonner, pays pour qui j'ai l'âme en peine / Ils m'aiment en me comparant à une perdrix / Belle quand je leur sers de festin… », dit l'un de ses textes. Ou cet autre, qui clame : « Nous avons chanté les étoiles, elles sont hors de notre portée / Nous avons chanté la liberté, elle s'avère aussi loin que les étoiles. »

Conscient du rôle essentiel joué par la chanson pout le maintien et la sauvegarde de la langue kabyle, Lounis Aït Menguellet effectue, au travers de ses chansons - dans lesquelles le texte et la langue tiennent une place primordiale - un véritable travail de mémoire pour sa langue maternelle. La défense de sa langue est l'une de ses raisons de vivre : « La chanson a toujours porté à bout de bras l’âme kabyle, l’essence algérienne. Il y a plein de Kabyles qui ont appris leur langue grâce à la chanson ». Les mots du kabyle lui parlent et il continue à en découvrir : « La langue, c’est la mère, la terre. »

Chanteur à textes, Lounis Aït Menguellet n’en a pas moins introduit une recherche musicale plus élaborée dans ses chansons depuis que son fils Djaâffar, musicien lui-même, fait partie de son orchestre, qui ne dépasse pas quatre membres (deux percussionnistes, un guitariste et son fils qui joue au synthétiseur et à la flûte).

À propos de la chanson kabyle, Lounis Aït Menguellet considère qu'elle se porte plutôt bien, dans la mesure où il y a toujours de jeunes artistes qui émergent. « Il y a d’un côté, la chanson rythmée que demandent les jeunes, mais il y a aussi le texte qui reste une chose fondamentale dans la chanson kabyle», souligne le poète pour qui la chanson engagée est avant tout une liberté d’expression.

De nombreux ouvrages et études ont été consacrés à son œuvre en tamazight, en arabe et en français.

Hommage de Kateb Yacine

Dans un texte à propos de la défense de la langue kabyle, le grand écrivain algérien Kateb Yacine, décédé en 1989, rend hommage à Lounis Aït Menguellet :

« (…) Et comme l'ignorance engendre le mépris, beaucoup d'Algériens qui se croient Arabes - comme certains s'étaient crus Français - renient leurs origines au point que le plus grand poète leur devient étranger :

J'ai rêvé que j'étais dans mon pays

Au réveil, je me trouvais en exil

Nous, les enfants de l'Algérie

Aucun coup ne nous est épargné

Nos terres sont devenues prisons

On ferme sur nous les portes

Quand nous appelons

Ils disent, s'ils répondent,

Puisque nous sommes là, taisez-vous !

Incontestablement, Lounis Aït Menguellet est aujourd'hui notre plus grand poète. Lorsqu'il chante, que ce soit en Algérie ou dans l'émigration, c'est lui qui rassemble le plus large public ; des foules frémissantes, des foules qui font peur aux forces de répression, ce qui lui a valu les provocations policières, les brimades, la prison. Il va droit au cœur, il touche, il bouleverse, il fustige les indifférents :

Dors, dors, on a le temps, tu n'as pas la parole.

Quand un peuple se lève pour défendre sa langue, on peut vraiment parler de révolution culturelle  »

Kateb Yacine (Extrait de « Les ancêtres redoublent de férocité »).

Discographie

La discographie de Lounis Ait Menguellet comporte à peu près 222 chansons

1967-1974 : Période des 45 Tours, environ 70 titres.

( 1975 ) : Telt yam - Taghzalt 33 tours voix du globe Edition Kan Cléopâtre, Brahim Ounassar.

 

1976 : Anida n-teğğam mmi

 

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1977 : Amjahed

  • 1978 : Live à l'Olympia

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1978 : Aεṭar

 

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1979 : Ay agu

 

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1981 : A lmus-iw

 

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1982 : Ṭṭes ṭṭes

 

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1983 : A mmi

 

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1984 : Ǧğet-iyi

 

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1988 : « Les années d'or » 48 titres, reprises en 6 K7 des 45 tours des débuts

 

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1986 : Asefru

 

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1989 : Acimi (Asefru)

 

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1990 : Abrid n temẓi (Tirga n temẓi)

 

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1992 : A kwen-ixḍaε Rebbi

 

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1993 : Awal

 

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1996 : Iminig n yiḍ

 

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1997 : Siwel-iyi-d tamacahut

 

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1999 : Inagan (Tiregwa)

 

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2001 : Inasen

 

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2005 : Yenna-d wemγar

 

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2010 : Tawriqt Tacebḥant

 

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2014 : Isefra

 

1976 : Anida n-teğğam mmi

 

Bibliographie

Tassadit YacineAït Menguellet chante, Préface de Kateb Yacine, Paris, la Découverte, 1989.

Mohammed Djellaoui, L’image poétique dans l’œuvre de Lounis Aït Menguellet - Du patrimoine à l’innovation (Essai) - Éditions Les Pages Bleues, Alger, 2005.

Chabane Ouahioune, Randonnée avec Aït Menguellet, Alger, éd. Inayas, 1992.

Moh Cherbi & Arezki Khouas Chanson kabyle et Identité berbère 1998

  • Belkacem Sadouni, Traduction des textes en arabe 2009

Farida Aït Ferroukh, Situation d'impasse et agents de la culture, Algérie, ses langues, ses lettres, ses histoires. Balises pour une histoire littéraire (A. Bererhi, B. Chikhi éds). Blida, Mauguin : 2002.

Ali Chibani, Tahar Djaout et Lounis Aït Menguellet. Temps clos et ruptures spatiales, Paris,L'Harmattan, 2012 et Alger, Koukou Editions, 2014. [1] [archive]

 

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Lounis_A%C3%AFt_Menguellet



05/02/2017
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